Le permis à points n’« emmerde » pas les Français. Il sauve des vies.
Dans ce début de campagne présidentielle, les propositions outrancières d’un jour font oublier celles de la veille. Les extrêmes s’en délectent, ravies de rythmer un débat politique qui, souvent, perd le sens de la raison. On les laisse trop faire, car en appeler aux passions tristes est plus simple que les combattre. Et puis, ça fait de l’audience.
Jusqu’où alors aller pour récupérer des voix ? Certains sont visiblement prêts à sacrifier des vies. Comme maire, comme ministre de l’Intérieur, j’ai vu trop de Français perdre un proche sur la route. J’ai le souvenir douloureux d’avoir dû annoncer à des parents le décès de leur enfant.
Alors parlons sécurité routière. L’an dernier, 2 780 familles ont été endeuillées. Ce sont 2 780 de trop. Mais en 30 ans, les progrès réalisés ont permis d’éviter le décès de plus de 150 000 personnes.
Supprimer le permis à points ? Revenir sur les limitations de vitesses ?
Parlons-en avec les associations de victimes ! Je pense à ces victimes mortes sur nos routes du fait de chauffards ou de conduites inconsidérées, ou à celles blessées à jamais dans leur chair ou dans leur âme. L’abaissement de 90 à 80km/h sur certaines routes, je l’assume : il a permis de sauver près de 349 vies en 20 mois.
Alors bien sûr, le populisme joue sur la corde sensible, la première étant celle du porte-monnaie, et fait mine de s’offusquer d’une prétendue manne fiscale aux mains de l’Etat. Or, elle n’existe pas. Une fois de plus, c’est un mensonge : chaque année, au moins 4 milliards d’euros sont consacrés par l’État à la politique de sécurité routière, pour 1,65 milliard d’euros de recettes. Et cela ne prend pas en compte les coûts liés à la prise en charge des accidents, des blessés, de mutilés. Chaque année, ce sont plus de 40 milliards d’euros de coût pour la société.
Le permis à point, c’est une ceinture de sécurité en plus. Un outil de plus pour nous protéger, tous, sur la route. Est-ce que le permis à points « emmerde » les Français ? Non. Il préserve leur vie. La preuve : la grande majorité des automobilistes change leur comportement lorsqu’ils perdent des points (IPSOS, 2020).
Oui, avoir une politique ambitieuse demande du courage. Alors que Jacques Chirac avait fait de la sécurité routière un des grands chantiers de son quinquennat, il avait, entre 2002 et 2007 quasiment divisé le nombre de morts sur les routes par deux. Ce n’est pas le fruit du hasard, c’est l’application rigoureuse d’une politique stricte, et forcément impopulaire. Pourquoi l’avoir fait ? Parce que les Français lisaient dans le journal, trop souvent, le nom d’un proche décédé sur les routes en raison de comportements dangereux.
Comme toujours, le populisme dénonce, mais ne propose pas. Que ferait-on sans permis à points ? Les pays qui n’ont pas de permis à points ont, pour la plupart, des amendes très élevées ou progressives avec les revenus et pouvant atteindre des milliers d’euros. Voudrait-on alors permettre plus d’infractions à ceux qui en ont les moyens ?
En 2019, alors ministre de l’Intérieur, j’ai porté une réforme pour faciliter l’accession au permis de conduire. Parce que chacun doit pouvoir le passer : c’est un outil essentiel d’émancipation. Passer son code est donc aujourd’hui beaucoup plus simple ; l’examen pratique peut avoir lieu dès 17 ans ; les financements sont aussi plus accessibles (notamment par le compte personnel de formation) et il est plus simple de passer l’examen sur une voiture automatique. Une preuve de plus qu’on peut mieux agir pour que chacun ait accès à la route, en toute sécurité.
La prévention routière demande du courage et le sens de l’intérêt général. Le populisme n’a ni l’un, ni l’autre.